De l'ambition pour l'école
Yann Gibert | le 01/01/1970 00:00
L'école forme, certes... mais à quoi ? Quand l'individualisation sert l'exclusion. Retrouver la saveur des savoirs pour redonner sens...En savoir plus
Mouvement de recherche et de formation en éducation
Tous capables ! Tous chercheurs ! Tous créateurs !
Intervention de
Jacques BERNARDIN (GFEN)
S'est opérée sous la pression de deux facteurs :
On est passé de moins de 30 % d'une classe d'âge accédant au Secondaire dans les années 50 à la quasi-totalité aujourd'hui, l'obtention du bac passant de 5 % à 66,4 % (juin 2009). Le Secondaire n'accueille donc plus seulement les « héritiers », bien des élèves ne partagent pas le rapport à la culture, la motivation, les dispositions face aux études et le maniement du langage qui, auparavant, mettaient les élèves de plain pied avec les exigences scolaires...
Parallèlement, les contenus n'ont cessé d'évoluer. Ainsi en lecture, on est passé d'un lire entendu comme savoir déchiffrer à l'attente d'une compréhension élargie (rechercher une information mais aussi faire des inférences, prendre distance et réagir à cf. PISA). Mémoriser les connaissances ne suffit plus, il faut être en mesure de les mobiliser dans des situations inédites (compétences). Plus encore, on vise des attitudes face aux savoirs (pour se former tout au long de la vie), à l'égard de soi-même et des autres (confiance en soi, autonomie ; capacité de travailler en équipe, etc.). Autrement dit, il faut aujourd'hui former tous les élèves à des compétences expertes, hier réservées à une élite restreinte.
Tout cela dans un contexte de délégitimation de l'École, de dévalorisation des diplômes (décrochage du lien avec l'emploi). L'ensemble concourt à une crise du sens à apprendre pour beaucoup de jeunes, en écho à une crise du sens à enseigner pour nombre d'enseignants.
Comment revitaliser l'importance d'apprendre, l'envie de savoir ? Comment dynamiser la passion d'enseigner ? Pour « donner de l'avenir à l'Ecole », il faut repenser la formation...
Par rapport à ce qui se passe actuellement, il s'agira de former des professionnels
- réaffirmant sa triple fonction : pas seulement certificative et professionnalisante mais d'abord et essentiellement anthropologique et sociopolitique (former l'Homme et le citoyen)
- dans une visée explicite de démocratisation élargie de l'accès aux savoirs
2/ Renforcés dans leur cadre institutionnel : des moyens autres pour l'Ecole publique (qui a vocation de s'adresser à tous). Les comparaisons internationales montrent que les systèmes les plus performants et les plus équitables sont
3/ Mieux préparés et accompagnés dans leur exercice professionnel : c'est dire le rôle clé d'une autre formation initiale et continue.
La souffrance professionnelle s'accroît, conséquence d'une insupportable tension entre l'idéal professionnel (la volonté de faire réussir tous les élèves) et la butée du réel.
Quels sont, à gros traits, les points faibles des pratiques ?
1/ Sur les contenus :
- approche étroitement didactique. Or, les professionnels sont « débordés » par des questions a-didactiques (hétérogénéité ingérable, positionnements inappropriés des élèves dans le cours...)
- faiblement « outillée » (pris entre prescription et refus de donner des « recettes », ils se jettent sur le compagnonnage, les outils de base et les « ficelles du métier »)
- avec un lien théorie/pratique toujours insatisfaisant, à divers niveaux :
2/ Sur la forme :
- trop souvent, actions massées... ou émiettées (entre « gavage » et dispersion, dans un cas comme dans l'autre, au risque de réinvestissements aléatoires)
- logique individuelle (laissant chacun seul au retour, avec un sentiment de « décalage » avec l'environnement pédagogique, sans appui de proximité)
« Face à des pouvoirs trop souvent nécrosés et déréalisés, étendre le pouvoir d'agir des professionnels pour faire autorité sur le travail » (Yves Clot).
L'objectif : former des enseignants chercheurs, concepteurs de leurs pratiques, organisés en intellectuel(s) collectif(s) à l'échelle de leur établissement (et pouvant être reliées en réseaux selon leurs axes de recherche).
1/ Un principe organisateur : Former, c'est transformer
Toute formation s'inscrit dans une histoire, un « déjà là » qu'il faut prendre en compte
Pour transformer les façons de faire, nécessité de transformer les façons de voir / concevoir
- Interroger l'habitus professionnel (les cadres implicites de perception et d'action)
- Mettre à jour les impensés de la pratique, dont les noyaux durs constitutifs sont :
« Balzac disait que les célibataires remplacent les sentiments par des habitudes. De même, les professeurs remplacent les découvertes par des leçons. Contre cette indolence intellectuelle (...), l'enseignement des découvertes le long de l'histoire scientifique est d'un grand secours. Pour apprendre aux élèves à inventer, il est bon de leur donner le sentiment qu'ils auraient pu découvrir » (Bachelard)
Il y a nécessité de sortir d'une conception faible des savoirs faisant abstraction de la genèse de ses révolutions créatrices. Il s'agit de stimuler l'engagement cognitif des élèves, la co-construction dans la polémique intellectuelle, de retrouver le mouvement vivant d'une création simultanément conceptuelle et culturelle.
Approche résolument constructiviste d'apprentissages à la fois :
- plus efficaces : avec une double prise en compte des erreurs des élèves et de l'épistémologie ; processus agissant par erreurs rectifiées, donnant à chacun le temps de comprendre en faisant place à l'argumentation justifiée et l'échange de procédures (donc, visant la démocratisation de l'accès au savoir, à la culture) ;
- plus pertinents, eu égard à la formation d'un sujet à futur citoyen - apte à exprimer et défendre son point de vue... mais aussi à prendre en compte celui des autres pour affiner le sien ! (exercice de la démocratie dans l'ordre des savoirs).
Si les professionnels souffrent de se sentir « seuls au front » dans leur classe et si l'action éducative est d'autant plus efficace qu'elle est cohérente, convergente et durable... Il faut adapter la formation à ces exigences.
- sur le plan de l'organisation :
- sur le plan stratégique :
- sur le plan pédagogique :
- entre les pratiques de terrain et les sessions de formation ;
- lors des sessions elles-mêmes : démarches vécues servant d'appuis et de référents communs pour l'analyse et la problématisation ; ressaisies d'expériences réalisées lors des intersessions (déplacements constatés en classe ; formalisation d'invariants ayant contribué à mobiliser les élèves...) ; l'ensemble étant émaillé d'apports théoriques « en situation ».
(Expériences de telles formations GFEN avec des équipes de cycles dans l'Yonne, des équipes d'établissement ou de bassin dans le Secondaire, des équipes de dispositifs relais,...)
[1] François Dubet, Marie Duru-Bellat, L'hypocrisie scolaire. Pour un collège enfin démocratique, Seuil, 2000.
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