Sur quels principes se basent les pédagogies actives ? Le principe d'éducabilité et le Tous capables ! (GFEN, 1982), la découverte de plusieurs milieux (Wallon), le rôle du milieu et de ses stimulations, l'importance de l'activité (Decroly, Piaget, Wallon), la pédagogie active (Dewey, Decroly, Freinet).
Mais quand peut-on dire que l'enfant est actif ? Ce n'est pas si simple car on ne peut pas réduire l'activité à ses manifestations extérieures. Apprendre se limite-il à la réalisation de la tâche demandée ? La médiation de l'activité mentale échappe souvent aux élèves les plus fragiles ce qui provoque chez eux un malentendu sur les visées de l'activité proposée. Apprendre est constitutif d'une trajectoire personnelle qui s'appuie sur des mobiles dont on ne discerne pas les contours.
Quels mobiles d'apprendre ? Quels moyens ? Les enquêtes montrent que seuls 28% des élèves ont une vision correcte de ce qu'est « apprendre ». La majorité des élèves vivent les activités proposées sans réel intérêt, attendent tout de l'enseignant qui peine à les impliquer car trop souvent en relation d'évidence avec les savoirs dont il est expert. Pour sortir de cette pédagogie invisible, il est nécessaire d'identifier les enjeux, les expliciter, de faire du tissage entre les savoirs visés et leur utilité hors du milieu scolaire.
Face à ces difficultés, on observe deux tendances chez les enseignants. La première qui consiste à surestimer les différences (Différenciation déficitaire) : adaptation en réduisant les sollicitations, segmentation de la tâche, aide complémentaire, motivation des élèves qui occulte les objets de savoir. La seconde qui néglige les différences en restant dans l'illusion de la transparence des contenus.
Apprendre, c'est s'inscrire dans une aventure humaine et faire prendre conscience à l'élève de cette évolution des savoirs au niveau de l'humanité peut devenir un mobile d'apprendre, construire l'envie d'en savoir plus. Cela donne un sens personnel à l'activité sans lequel aucun processus de construction de savoir n'est possible. lire le texte complet de l'intervention

Le jeudi soir un spectacle : Very Math Trip, des maths comme on ne les a jamais vues ni entendues et qui nous les ferait aimer ! Émotion, passion, aventure, culture, anecdotes, surprises, magie, intrigues sont les ingrédients de cet hommage aux mathématiques et à ceux qui en ont fait son histoire.
Conférence de clôture du colloque
Cette conférence animée et modérée par Aude Gallery et David Lallemand réunissait Patrick Beaudelot (directeur d'administration de l'Enseignement et de la formation professionnelle de la Cocof), Jacques Bernardin (GFEN), Séverine Acerbis (directrice de l'Asbl Badje), Jacques Cornet (CGé)

Il s'est agi de faire le lien entre les apports du colloque, les réalités des familles, les paroles et vécus des enfants. La conférence commence par l'écoute de paroles d'enfants fréquentant une école nouvelle qui disent leur ressenti d'élèves dans ce cadre : « le plaisir d'être libre, accepté ; la mixité, la participation, l'évaluation, l'égalité et l'autonomie, travailler ensemble » même si c'est tempéré par la crainte d'avancer plus lentement qu'ailleurs. Les professionnels qui les encadrent insistent sur le plaisir de partager les questions de métier, d'échanger sur les pratiques et la vie collective.
Mais pour qui ces écoles nouvelles sont-elles faites ? Quelles peuvent-être les dérives ? Faut-il oser innover et changer ses pratiques?
Patrick Beaudelot souligne l'importance de l'ouverture d'une école s'appuyant sur les pédagogies actives. Au-delà des programmes et de l'institution, ce qui compte c'est le regard porté sur l'enfant qui apprend : éducabilité mais également exigence. Il faut un projet affirmé avec une appropriation des différents partenaires du projet ainsi qu'une une formation adaptée pour les enseignants. Ce projet porte tout à la fois sur la pédagogie, l'aménagement des espaces et la gestion du bien-être des différents acteurs.
Séverine Acerbis, directrice de l'Asbl Badje : Bruxelles Accueil et Développement pour la Jeunesse et l'Enfance, une fédération pluraliste bruxelloise active dans le secteur de l'accueil des enfants et des jeunes, prône la cohérence et la continuité pédagogique dans les différents milieux que l'enfant fréquente.
Jacques Cornet affirme que les pédagogies actives ont deux caractéristiques : méthodologique et sociopolitique. Sur un plan méthodologique, le but de l'activité est différent de l'objectif d'apprentissage. L'activité permet d'enrôler l'élève mais comment modifier le rapport au savoir à partir des productions de savoir ? La pédagogie active vise à lutter contre les dominations sociales mais les instruments dont elle se dote peuvent être détournés par ceux qui les utilisent dans un rapport hiérarchique. On distingue deux courants en pédagogie active. Certains sont centrés sur les situations-problèmes dans une articulation entre but, objectifs, ressources et contraintes. D'autres comme la pédagogie Freinet s'appuient sur des "méthodes naturelles". Le risque majeur actuel est la prolétarisation des métiers qu'on ne peut pas délocaliser (dont les enseignants). On a pourtant besoin de travailleurs impliqués et pensant ensemble.
Jacques Bernardin note que les exemples donnés dans les deux temps de vidéos montrent des enfants passant des moments agréables. Mais au-delà se pose la question des apprentissages : qu'est-ce qu'on apprend ? Quand apprend-on ? L'école est le lieu du passage d'un patrimoine culturel, d'une communauté d'appartenance. Le développement de l'enfant passe par son désenclavement ; c'est en proposant des choses qu'il n'a jamais connues et qu'il peut ne pas aimer dans un premier temps. En proposant des espaces de confrontations de points de vue, l'école donne des outils à penser et de pensée. Il faudrait reprendre la distinction entre information, connaissance et savoir. La zone de tension pour les pédagogies actives est la place de l'activité si des moments réflexifs ne viennent pas assoir les objectifs d'acquisition de savoirs.
Après un débat avec la salle portant sur la parité, la posture d'accueil pour lutter contre les discriminations sociales, l'accompagnement des jeunes enseignants entrant dans une pédagogie active, l'accueil des enfants en situation de grande pauvreté, Laurence Vieille, poétesse nationale conclut à sa manière ce colloque en déclamant un texte « à fleur de », création faite des mots dits ou entendus durant ces trois jours.

*COCOF : Commission communautaire française
Jacqueline Bonnard