6èmes rencontres "pour l'école maternelle"
Rencontres « Pour que la maternelle fasse école »
1er février 2014
Paris, Bourse du Travail
GFEN
L'activité, tremplin du développement
Les Rencontres Maternelle s'ouvrent sous un déluge d'eau tombant sur les rues de Paris. J'arrive à la Bourse du Travail, dégoulinante ; en même temps que moi, 180 personnes, venues de 44 départements, professeurs, directeurs, conseillers pédagogiques, inspecteurs, étudiants. Les militants sont là pour aiguiller les participants, la librairie, tenue par les salariées du siège, accueille ses premiers lecteurs.

La grande verrière entrouvre ses portes en bois. Jacques Bernardin, président, introduit la journée et pose quelques « bonnes » questions ! Faut-il donner la priorité au vivre ensemble ou à l'apprendre ensemble ? La socialisation est-elle un préalable à l'apprentissage ou une conséquence de celui-ci ? Penser l'école pour les élèves qui en sont le plus éloignés dispense-t-il de s'intéresser aux autres ? Quel est l'état des lieux des pratiques ? Il faut donner un nouvel élan à l'école maternelle, dit la loi sur la refondation de l'école. Le GFEN est présent dans des groupes de travail au ministère et tient à l'être dans toutes ces réflexions.


Après une courte pause, les activités de groupes démarrent. Je fais le tour de tous les ateliers mis en place.
Sous la verrière, Sylvie Chevillard apporte le témoignage de son expérience de travail dans des classes « passerelles » où enseignants et professionnels de la petite enfance ont appris à travailler ensemble, pour y accueillir et scolariser les enfants de moins de trois ans dans les meilleures conditions.
Dans le premier atelier au sous-sol, Jacqueline Bonnard interroge le rapport aux objets. Les participants sont rapidement mis en situation de manipuler différents objets du quotidien : petit instrument pour râper des aliments, moulin à poivre, à persil, lampe à manivelle, batteur à main, jeu optique de mélange de couleurs, machine à faire des perles en papier. L'objectif principal est de manipuler l'objet technique et surtout de réfléchir aux gestes effectués en tant qu'utilisateur. En focalisant sur l'usage de l'objet, on retrouve des verbes d'action communs comme « tourner ». Pour tous, des verbes décrivent selon l'objet la transformation d'une matière. Les réflexions fusent de partout.
La deuxième étape consiste à rechercher le concept scientifique derrière cette manivelle commune à tous les objets. On va passer du geste au concept. Les participants travaillent en petits groupes de 4. C'est l'effervescence ! Tout le monde réfléchit, chacun rebondit sur ce que dit l'autre, l'une manipule, une deuxième essaie de décrire précisément ce qui se passe, la troisième tente de le formaliser par écrit sur une grande affiche... On est plus intelligents à plusieurs.
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Quelques tours de manivelle... | qui laissent perplexes ! |
L'atelier voisin accueille plus de 45 participants. Cela n'effraie pas les animateurs qui engagent une réflexion sur les fonctions de l'écriture :« Pourquoi apprendre à écrire à l'école maternelle ». En organisant les interactions, nombreuses et riches, Yohan Abou El Einein classe les propositions au tableau puis il propose une liste de noms de villes en langue arabe. On repère des indices visuels, on associe ces mots avec leur transcription phonétique et on essaie de reproduire un mot par écrit. On passe par les mêmes stades que les élèves franchissent quand ils apprennent. On est plus dans le dessin que dans l'écriture. On finit par dicter à l'adulte comment faire pour dessiner une roue de vélo par exemple : les enfants indiquent le plus précisément possible à l'adulte comment faire. Celui-ci s'exécute et si la consigne n'est pas suffisamment explicite, il se trompe et les élèves le corrigent. Cette démarche est issue des travaux de Marie-Thérèse Zerbato-Poudou.
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Pourquoi apprendre à écrire à l'école maternelle ?
Un silence impressionnant me frappe quand je pousse la porte de l'atelier suivant, mené par Stéphanie Fouquet. Les participants sont en train d'écrire, à partir de textes de Pablo Neruda qu'on leur a lus et de mots qu'ils devaient choisir pendant la lecture. Ces mots deviennent des matériaux pour déclencher d'autres textes. L'objectif est de libérer l'imaginaire, créer des associations d'idées inhabituelles, qui font rêver. La séance se termine par la lecture individuelle des écrits de chacun.
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Libérer l'imaginaire...
Il faut trouver le quatrième atelier, dans un dédale d'escaliers et de couloirs. Lui aussi est axé sur la libération de l'imaginaire en arts plastiques. Sylviane Maillet a fait produire des oeuvres à partir de papiers photocopiés de matériaux divers (feuilles d'arbres, tissus, tulle, guirlandes de Noël, papier bulle, papiers peints, plumes, etc...).
Après avoir échangé au sein du groupe, on fait une deuxième production, enrichie des découvertes des autres. « Les consignes sont très larges, nous dit l'animatrice, cela apporte de la créativité. On n'est pas en sciences, mais en arts, il faut se sentir libre... »
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Laissez parler les p'tits papiers...
Les participants sont en tout cas « libres » d'aller déjeuner dans les nombreux restaurants du quartier.
Le retour à la Bourse du travail est prévu à 14h pour engager les ateliers de l'après-midi.
Celui de Catherine Ledrapier, enseignante-chercheure à l'ENS de Cachan, va faire passer de la manipulation à la conceptualisation en sciences. Elle commence par les représentations que chacun a des sciences. Elle propose un de ses écrits sur le statut des sciences et approfondit la réflexion avec Bachelard. Elle explique les différents stades de développement de l'enfant, avec Wallon, Piaget et Vigotski, illustrés par des exemples en classe. Elle définit les fonctions de la démarche scientifique, qui constituent selon elle la conceptualisation : heuristique, modélisation et problématisation...
Je passe à l'atelier sur le projet Cuisine initié par Damien Sage. On s'interroge sur les objets d'apprentissage possibles à travers la lecture et la réalisation d'une recette. Comment, en s'appuyant sur un projet mené régulièrement en classe, on dépasse la simple activité manipulatoire pour faire entrer les élèves dans des apprentissages précis ? Le problème d'apprentissage qui s'est posé à l'animateur dans sa classe est le suivant : comment faire pour que les élèves comprennent ce qu'est une recette de cuisine et soient capables de l'utiliser de manière autonome ?
« A partir de ce problème, explique Sylvie Chevillard, comme dans la démarche du sosie, vous allez concevoir en petits groupes une situation qui selon vous, pourrait permettre de résoudre cette difficulté d'apprentissage ».
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Qu'est-ce que la science ? | Recette de cuisine |
L'atelier sur les parents est animé, comme l'atelier sur l'apprentissage de la lecture, par le groupe Gfen Paris. Claire Benveniste pose comme principe que le fait d'associer les parents à la scolarité de leurs enfants est un facteur de réussite pour ceux-ci. Mais comment rendre visible et lisible ce qui se passe dans la classe, le sens donné aux apprentissages, la mobilisation des élèves, les défis qu'on leur lance, la conviction qu'ils sont capables de progresser. L'animatrice va donc proposer de vivre en accéléré des démarches typiques du GFEN sur le rôle du langage et la place du groupe dans l'apprentissage. Ces expériences peuvent tout à fait être menées en réunions de parents pour qu'ils comprennent que les apprentissages se construisent, qu'ils sont complexes. Ils accèdent aussi au fait que le langage construit la pensée, qu'on apprend seul mais avec les autres... Pour ce faire, Claire Benveniste utilise la situation d'apprentissage de l'écriture proposée dans l'atelier du matin et la situation de lecture d'un album sans texte. Pour entrer dans une activité de compréhension de l'histoire, on se sert des idées, découvertes, questions de tous.
L'atelier sur les activités athlétiques à la maternelle a dû être annulé, l'animateur étant empêché pour raisons de santé. Les participants se sont répartis dans les autres ateliers.
Le dernier atelier était confié à l'AGEEM et à sa présidente, Isabelle Racoffier. Les participants installés en rond ont été invités à réfléchir à la cohérence et à la continuité éducative entre le scolaire et le péri-scolaire. « Il faut partir des besoins de l'enfant, nous dit-elle. Un enfant peut faire toute la journée la même activité de peinture par exemple... Il faut avoir des points de vigilance, qui ne sont pas des préconisations, d'où la nécessité d'une « charte » pour se mettre d'accord». Pour se mettre d'accord ou pour penser ensemble son métier et comprendre le métier des autres ? Les conversations vont bon train, chacun souhaite faire part aux autres de ce qui a marché ou au contraire, de ce qui n'a pas marché dans « son » école. Les échanges tournent autour de l'élève au centre du système, du temps qu'il faut pour se concerter, des règles de vie à établir qui soient identiques avec tous les adultes (par exemple, se tenir à la rampe de l'escalier).
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Rencontrer les parents | atelier de l'AGEEM |
Il est temps de se retrouver sous la verrière pour la dernière plage de la journée.

Elle invite l'assistance à se (re)mettre en questionnement sur tous ces sujets et en particulier sur les contenus d'apprentissage. « Le classement en grands domaines est flou, il faut retravailler la question des disciplines », dit-elle. C'est ce qu'elle fait actuellement dans le groupe de travail chargé au ministère d'élaborer le projet de programmes pour l'école maternelle.
Elle présente le livre collectif qu'elle est en train de diriger et qui va s'intituler « Construire le goût d'apprendre à l'école maternelle ». Elle a fait appel à des spécialistes de disciplines (langage, littérature, mathématiques, lecture, arts plastiques, etc...). Le livre sortira le 20 mars prochain.
Ce sera le prochain rendez-vous, avant d'autres actions (réunions, formations..) qui seront annoncées sur le site.
Reportage et photos : Isabelle Lardon
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