Edito n° 135
Editorial du Dialogue n° 135 - L'aide, comment faire... pour qu'ils
s'en passent ? L'aide personnalisée en question. (janvier 2010)
retour au sommaire du Dialogue n° 135
Ouverture des 2èmes Rencontres nationales sur l'Accompagnement
Jacques BERNARDIN
Le succès des Rencontres de l'an passé ne pouvait rester sans suite. Le nombre d'inscrits pour ces 2èmes Rencontres témoigne d'attentes toujours vives sur ce sujet, succès numérique alors même que plusieurs autres initiatives se tiennent au même moment en Seine- Saint-Denis. Cette année encore, nous aurons le plaisir de croiser les expériences, points de vue et questionnements d'acteurs divers de l'accompagnement : animateurs, enseignants, responsables associatifs, parents, élus chargés de l'enseignement.
Je voudrais, avant de présenter l'économie générale de ces 2èmes Rencontres, remercier nos partenaires qui les ont rendues possibles, que ce soit en diffusant l'initiative (l'OZP, le SNUipp et le Café Pédagogique), en contribuant à leur possibilité matérielle (merci à l'IUT de St-Denis et à l'accueil chaleureux de M. Michel Pasquier, Principal du collège Iqbal Masih voisin) ou en nous assurant un soutien au-delà du symbolique. Ainsi, nous tenons à exprimer notre gratitude à la Mairie de St Denis, représentée par David Proult, élu délégué à l'Enseignement et au Conseil Général du département de Seine-Saint-Denis, représenté par M. Mathieu Hanotin, Vice-Président en charge du Secteur Education.
Nous les avons sollicités pour l'ouverture officielle afin qu'au-delà de ces remerciements, ils puissent évoquer l'engagement de leurs collectivités respectives aux côtés de l'École, les enjeux tels qu'ils les perçoivent, mais aussi leurs questionnements actuels.
Cette année a été marquée par la mise en place de l'Aide Personnalisée dans les conditions et le contexte que l'on sait quand, dans le même temps, l'accompagnement éducatif s'organisait dans l'élémentaire et le secondaire en zones prioritaires.
L'an passé, nous avions dit nos craintes. La réalité dément-elle nos pronostics ? Les multiples contacts avec les équipes de terrain renvoient à un sentiment d'éparpillement, de confusion des divers dispositifs, plus empilés en mille-feuilles que réellement coordonnés. Comme hélas nous le craignions, les enseignants ont dû faire face à ces nouvelles dispositions sans appui de l'institution, cantonnée dans son rôle prescriptif.
Ne soyons pas exagérément pessimistes : les premiers échos étaient positifs. Les élèves étaient contents, les parents satisfaits et les enseignants aussi !... Mais au-delà de ces premiers indices (qui nous ont semblé se dégrader au fil des mois d'ailleurs), quel bilan à fut-il provisoire à peut-on faire aujourd'hui des divers dispositifs d'aide aux élèves ? C'est la demande que nous avons adressée à Bruno Suchaut (directeur de l'IREDU de Dijon), afin d'avoir un point de vue plus objectif et scientifiquement étayé en ouverture de ces journées.
L'Aide Personnalisée étant d'actualité (1), et emblématique de toute une politique sensée résoudre la question des difficultés scolaires, nous avons décidé d'en faire le fil rouge de ces Rencontres et de l'interroger sous une diversité de points de vue : pédagogique (à travers les ateliers de ces deux jours), psychopédagogique (avec Serge Boimare, directeur du CMPP Claude Bernard à Paris), de la clinique de l'activité (avec Yves Clot, titulaire
de la chaire de psychologie du travail du CNAM), de la politique éducative (avec Stéphane Bonnéry, de l'Université Paris 8) et enfin de la philosophie de l'éducation (avec Philippe Meirieu, de l'Université Lyon 2).
Notre postulat, c'est que l'on maîtrise d'autant mieux un objet qu'on l'interroge d'une diversité de points de vue. Cela nous semble indispensable à tous niveaux d'action ou de décision, car faute d'en questionner le sens et les enjeux, l'activité est aveugle, pouvant aller jusqu'à accroître les difficultés en croyant les résoudre. Ainsi, parmi les effets paradoxaux de l'aide personnalisée constatés en plusieurs endroits :
- le risque pour les parents d'accroître la délégation à des institutions considérées plus légitimes qu'eux, pouvant conduire à un moindre suivi éducatif de leur part ;
- le risque pour les enseignants, vues les contraintes horaires dans l'élémentaire, d'aller plus vite en classe... et de perdre plus rapidement les élèves fragiles ;
- le risque pour les élèves fragiles d'accroître leur dépendance à la fois intellectuelle et affective à l'égard des enseignants ou de toute personne jugée « experte »... alors même qu'il leur faudrait s'en émanciperpour se lancer dans les apprentissages.
Se défaire de l'évidence quant aux contenus enseignés et quant aux processus d'apprentissage : une interrogation indispensable. Parallèlement, modifier notre regard sur ceux qui « résistent ». Et si nous avions à apprendre de ceux qui n'apprennent pas ? Ces jeunes rencontrés dans des dispositifs spécifiques (RASED, CMPP, SEGPA, dispositifs relais), que nous apprennent-ils à à travers leurs réponses et modes de fonctionnement à sur les obstacles qui jalonnent l'apprentissage ? Que nous apprennent-ils sur notre métier, en nous obligeant à inventer, à prospecter d'autres pistes afin de réamorcer l'exercice de la pensée, l'envie, le plaisir d'apprendre ?
Et quelles leçons en tirer en retour pour l'ordinaire scolaire ? Ce sera l'objet des premiers ateliers. En appui ou contrepoint, Serge Boimare interviendra sur la base de son expérience auprès d'élèves en mal d'apprendre, « empêchés de penser ».
Par la suite, les ateliers permettront d'échanger, de croiser expériences et stratégies mises en place lors de l'aide aux devoirs, au cours de l'accompagnement éducatif, dans l'école mais aussi au niveau des collectivités locales. Puis Yves Clot, depuis le champ de la psychologie clinique, évoquera les transformations du travail qui caractérisent notre époque et les tensions subjectives qui en découlent, dans l'éducation comme ailleurs. Stéphane Bonnéry prendra quant à lui une autre focale pour interroger l'individualisation comme nouveau « paradigme » de l'intervention éducative, que ce soit au « local » de la classe, au niveau du pilotage du système éducatif ou dans la nouvelle façon de penser les parcours de formation. Penser, repenser l'aide « en dehors » de l'ordinaire ne saurait nous exonérer d'y réfléchir en amont, dans l'espace du cours, de la classe au quotidien. Comment optimiser les conditions de l'apprentissage pour que l'École parle à tous ?
Et dans l'espace familial, qu'est-ce qui se joue... ou peut se rejouer ? C'est ce que développeront Christophe Paris, responsable de l'AFEV et Gérard Chauveau, sur la base de leurs expériences et travaux à ce sujet. Enfin, Philippe Meirieu soumettra les termes courants en matière d'aide à la question, distance salutaire à l'égard d'un vocabulaire qu'on sait influer sur notre façon de penser le réel, qu'il s'agit moins de panser que de repenser.
1 Aménagement du Temps scolaire. Organisation du temps d'enseignement scolaire et de l'aide personnalisée dans le premier degré. Circulaire N°2008-082 du 5-6-2008, B.O. n°25 du 19 juin 2008. MEN / DGESCO B3-3. retour au texte