L activité, espace de transformations
| le 30/11/-0001 00:00
C'est dans la confrontation de ses différents milieux que se construit le petit d'homme, dans une activité qui le transforme.En savoir plus
Mouvement de recherche et de formation en éducation
Tous capables ! Tous chercheurs ! Tous créateurs !
Sur le plan pédagogique, la disparition de la notion de cycle est une remise en cause radicale des conceptions du savoir, des apprentissages et de l'apprenant définies par les Instructions Officielles de 1989 et de 2002.
-
Une conception du savoir conçu comme somme de connaissances,
de techniques et de mécanismes à apprendre (la compréhension
viendra plus tard... ou se construira autre part ?) plutôt que comme
capacité à analyser une situation, à mettre en relation
des données pour émettre des hypothèses pour résoudre
des problèmes, à analyser la pertinence de celles-ci, à
formaliser les savoirs construits avant de les intérioriser.
Quelques exemples de cet aspect déclaratif des savoirs au détriment
de leur usage dans le raisonnement : en lecture les élèves
apprennent, dès la GS maternelle, à déchiffrer et
écrire seuls des mots déjà connus pour ensuite accéder
au sens ; en écriture la copie, la récitation et la rédaction
remplacent l'expression écrite ; la grammaire, la conjugaison,
le vocabulaire et l'orthographe sont l'objet d'un apprentissage
par cœur de règles(3)
et ne font plus appel à une « observation réfléchie
» de la langue ; en mathématiques priorité est donnée
explicitement aux techniques opératoires qui deviennent des pré
requis à la résolution de problèmes réduite
à n'être qu'une activité permettant «
d'approfondir et de mobiliser ses connaissances » ; en histoire
l'apprentissage de résumés, de dates et de personnages
renvoie à l'histoire évènementielle de Michelet,
remettant en cause l'idée de porter un regard critique sur
le passé pour se construire des outils qui rendent intelligible
la société et le monde d'aujourd'hui... Cette
négation d'une approche culturelle et anthropologique des
savoirs renvoie à une conception de la culture exclusivement tournée
vers la connaissance (non maîtrisée) du patrimoine du passé
à préconisée par les Instructions Officielles de 1923
!
-
Une conception de l'apprentissage où l'apprendre
est un préalable au comprendre(4)
. La maîtrise de mécanismes et de connaissances (ils «
apprennent », « mémorisent ») se fait au détriment
de l'élaboration d'outils mentaux et de la construction
de compétences transversales ; la mémoire se substitue à
l'imagination. Ainsi en mathématiques « on va des connaissances
à la résolution de problèmes » et non plus
« des problèmes aux connaissances » (IO 2007).
Cette conception tourne le dos à l'idée de culture
entendue comme émancipation du jugement, qui délivre ainsi
des cultures, entendues comme traditions fermées.
Par ailleurs l'importance donnée à l'évaluation est inquiétante car le risque est grand de n'enseigner que ce qui est évaluable, voire seulement ce qui sera évalué puisque cette évaluation sera également une évaluation de l'enseignant (dont dépendra l'avancement et le salaire au mérite ?) et de l'équipe enseignante (les résultats des évaluations étant rendus publics il y aura une mise en concurrence des établissements). On voit alors que si la liberté pédagogique est réaffirmée elle deviendra tellement encadrée qu'on ne peut que s'interroger sur son espace.
- Une conception de l'élève qui devient objet d'enseignement plus que sujet de ses apprentissages. Il s'agit de former l'enfant, le jeune au « métier d'élève » et non à une « posture d'apprenant ».
Les évaluations françaises (CE2 et 6ème) comme les évaluations internationales (PISA et PIRLES) nous indiquent que ce sont plutôt les compétences de « haut niveau » qui se révèlent insuffisantes, exigeant moins du « mécanique » que de la compréhension, des capacités à investir, traiter et résoudre des problèmes en étant capable d'étayer sa réponse. Comment une telle approche mécaniste des apprentissages et une telle conception de l'élève (vase à remplir plus que feu à allumer) pourrait-elle susciter l'envie d'apprendre, notamment chez les élèves fragiles qui nous préoccupent ?
Ces propositions sont un déni de la pédagogie, une ignorance des fondamentaux de l'apprentissage, une négation des recherches en pédagogie telle qu'elle se font depuis de nombreuses années par les enseignants dans leur classe (en particulier en ZEP), par les chercheurs en sciences de l'éducation, en didactique et en psychologie de l'enfant.
Sur le plan politique une mise en cause radicale des objectifs assignés jusqu'ici à l'école française. Face à l'entreprise de toujours mieux adapter l'école au service de l'économie (elle-même soumise à la loi du « marché » et à la financiarisation) au détriment de ses fonctions anthropologique (faire grandir à former l'Homme) et sociale (former le citoyen par l'exercice de la pensée critique »(5) , l'Ecole devient le lieu où doivent s'intérioriser des comportements de civilité, de politesse et d'obéissance à l'autorité, de respect de la hiérarchie. La conception de l'apprentissage (basée sur l'écoute et la mémorisation) et la transformation de l'éducation civique en instruction civique et morale - qui se ferait au travers de maximes et d'adages (comme ce qui était préconisé dans les IO des années 1880) à peuvent être comprises comme une entreprise de docilisation et de pacification sociale.
La mise en cause de la conception de la laïcité, initiée par le Président de la République lors de son discours à Latran (« Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra remplacer le curé et le pasteur »), qui voulait assujettir la raison à la croyance, se retrouve dans ces nouveaux programmes qui accordent une primauté de l'instruction (civique et morale) au détriment d'une éducation où l'autonomie éthique de chaque personne se fonde sur son autonomie de jugement, d'une éducation où les valeurs ne peuvent exister que dans des pratiques qui les font vivre (extrait du texte d'orientation du GFEN).
Derrière la louable volonté de résoudre l'échec scolaire des 15% d'élèves en difficultés à l'entrée en 6ème, ces « nouveaux programmes » n'ont-ils pas pour objectif réel de jeter le discrédit auprès de l'opinion publique sur l'école publique et ses enseignants à comme cela a été fait sous l' « ère de Robien » - en magnifiant une école des années du début du siècle(6) afin de dégrader les rapports école/familles pour justifier l'heure de la « fin de la récréation » (cf. discours du Président de la République sur mai 68) et le nécessaire renforcement de l'école privée confessionnelle, dite « libre » ?
On
voit bien qu'à travers des propositions d'ordre pédagogique
se jouent des enjeux d'ordre politique à au sens de la place
de l'individu dans la société et non en termes «
politiciens » de « droite » ou de « gauche ».
En premier il faut redire que des Instructions Officielles ne peuvent
exister que si ce qu'elles prescrivent prend réalité
dans les pratiques des enseignants. Or ceux-ci ne font que ce qu'ils
savent faire, ce qu'on leur a appris à faire. Ainsi, si les
Instructions de 2002 n'ont été mises en place que
dans un pourcentage minime de classes (de l'aveu de l'Inspection
Générale) c'est parce qu'il y eut un formidable
déficit de formation continue qui aurait permis aux enseignants
de les mettre en œuvre dans leur classe. N'oublions jamais
que si la décision de réformer appartient aux ministres
(dont chacun veut poser sa trace par une réforme), la mise en actes
de ces dernières appartient aux acteurs du terrain.
En second il faut prendre en compte que l'immense majorité
des enseignants vise à la réussite de leurs élèves
- voire à leur émancipation intellectuelle à et souffrent
d'être impuissants devant certains cas. Un grand nombre de
parents en sont conscients et restent attachés à la qualité
de l'Ecole publique (et ses agents) même quand celle-ci montre
ses défaillances et insuffisances. Il ne faudrait pas que nous
soyons aveuglés par les déclarations fracassantes de quelques
« extrémistes » à qui le pouvoir et les médias
ont donné « pignon sur micros et caméras »...
Enfin un nombre important de personnels des corps d'inspection (IEN
et IPR) et de conseillers pédagogiques vivent très mal ces
nouvelles propositions car soit ils les réprouvent - notamment
ceux qui ont beaucoup « milité » pour les IO 2002 -
soit ils se retrouvent dans une situation intenable puisqu'ils sont
sommés par leur hiérarchie de condamner ce qu'ils
devaient défendre hier. Il en existe toujours quelques un(e)s qui
diront qu'après tout « rédaction » et
« expression écrite » c'est la même chose,
comme « récitation » et « ateliers d'écriture
poétique ». Mais ils(elles) ne font guère autorité
auprès des enseignants et sont donc condamné(e)s , hier
comme aujourd'hui, à faire actes d'autoritarisme à
ce qui les déjuge encore plus !
-
Engager, partout où cela est possible, des débats avec nos
collègues en leur proposant des outils de compréhension
(c'est le sens des courriers du GFEN 28 qui diffusent les points
de vue critiques de chercheurs, d'enseignants, etc.) qui leur permettent
d'exercer leur esprit critique par rapport à ce qui leur
est proposé - car beaucoup n'ont pour seules sources d'information
que les prescriptions de l'institution...
- Oser prendre appui sur ce que nous faisons dans nos classes pour construire
un dialogue positif avec les parents et réagir aux affirmations
péremptoires déversées par les médias qui
voudraient faire croire qu'avant c'était mieux(7).
Osons ouvrir nos classes pour engager les débats, faire vivre des
situations pour modifier les représentations des parents...
(Courrier de mars du GFEN 28)
Notes
(1)Pour
plagier le titre du livre de J.-P. Brighelli, La fabrique du Crétin
(2005) retour texte
(2) « Après 20 ans de politique scolaire
axée sur les fondamentaux (maths, anglais) l'association
américaine Common Core a relevé les énormes lacunes
des jeunes Américains dans le domaine de la littérature,
de l'histoire, de la citoyenneté. Ainsi un quart d'entre
eux ignore qui est Hitler. Un jeune sur trois ne connaît pas les
bases de la démocratie américaine. Or pour Common Core l'école
doit aussi former des citoyens. L'étude fait le lien entre
la mise en place du système de tests systématiques (...)
et cette situation. Les enseignants ont en effet été contraints
de se focaliser sur les tests, liés au financement des écoles,
aux dépens des matières « inutiles ». »
Voir sur www.cafepedagogique.net
. retour
texte
(3) Il est intéressant de comparer la place accordée
à ces disciplines par rapport à celle de la lecture et de
l'écriture dans le dernier Bulletin Officiel consacré
aux nouveaux programmes.retour texte
(4) « La construction des savoirs est une idée
héritée de 68, il faut la combattre ! » Dominique
de Villepin retour texte
(5) « Les systèmes éducatifs des sociétés
capitalistes avancées affrontent désormais une contradiction
majeure : comment concilier la modernisation de l'enseignement au
service de l'économie avec des contraintes budgétaires
de plus en plus restrictives (> suppression de milliers de postes d'enseignants
et diminution des taux élevés d'échec scolaire
« aux coûts individuel, social et économique élevés
») ? Sur le plan européen la réponse à ce dilemme
consiste à adapter l'enseignement à un environnement
économique hautement imprévisible et à un marché
du travail où les niveaux de qualification tendent davantage à
s'étirer, à se polariser, qu'à s'élever.
Si la «société de la connaissance» réclame
un nombre croissant de spécialistes de différents niveaux
à formations professionnelles, techniques et supérieures
à dans certains secteurs particuliers, le marché du travail
crée aussi, paradoxalement, de plus en plus d'emplois à
très faible niveau de qualification. Mais les travailleurs dits
«non qualifiés» doivent pourtant disposer d'un
grand nombre de compétences : savoir lire, écrire, calculer,
se servir d'un traitement de texte ou d'Internet, savoir prononcer
quelques phrases standardisées dans deux ou trois langues européennes
dont, obligatoirement, l'anglais. D'où la nécessité
de préciser les «compétences de base» (>
socle commun et politique d'évaluation) dont ils devront
être porteurs. Dans ce contexte, la vision classique de la «démocratisation»
- plus exactement : de la massification à de l'enseignement,
pensée comme une hausse générale et continue de l'accès
aux savoirs pour tous, peut être remplacée par une vision
duale et flexible : renforcer et spécialiser les formations supérieures
ou techniques des uns (> réforme de l'Université),
tout en abaissant la formation commune au rang d'un socle minimal
de vagues compétences «sociales» et «transversales»
(> mise en cause du collège unique et nouveaux programmes pour
l'élémentaire). Quant à la mise à jour
des connaissances et des compétences des travailleurs, pour assurer
le maintien de leur productivité dans un environnement technique
et économique en évolution rapide, ce sera l'affaire,
non plus du système éducatif formel, mais de la formation
«tout au long de la vie» (> « flexi sécurité
»). Certes, il n'y aura pas d'emploi pour tous, mais
en assurant l'employabilité de tous dans ces postes de travail
précaires et flexibles, on augmente la réserve de recrutement
de main d'œuvre et on garantit aussi le maintien d'une
pression constante sur les salaires.» Extrait de l'article
« Derrière les réformes Fillon, Arena, Moretti...
la main de la commission européenne ? » - Nico Hirtt à
mars 2007 à publié dans le « courrier GFEN 28 de septembre
2007 ». retour texte
(6) Ecole où, en 1960, seuls 11% des élèves
obtenaient le baccalauréat contre 4 % en 1945 et 2,5% jusqu'aux
années 30 ! retour texte
(7) La diffusion des Instructions de 1923 à voir
courrier GFEN 28 de février 2008 à est un outil à
utiliser ! retour
texte
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