Culture de Paix-Quelques reflexions

Quelques réflexions à propos de "Culture de Paix"        

 dans la perspective du Congrès

Odette et Michel NEUMAYER / Carnoux, le 7 mai 2007

Le pari du "tous capables" [...] fonde une conception de la démocratie qui, à travers des apprentissages solidaires, permet de penser l'homme dans sa dimension singulière et sociale. Ainsi se réactualise notre combat fondateur pour une culture de paix. (Extrait du texte d'orientation voté en 2004 lors du Congrès de Tours)

Ajouter de l'humain à l'humain
Le monde est violent et inégalitaire, c'est pourquoi il faut penser Culture de Paix. Avec ce concept, l'Education Nouvelle inscrit ses recherches dans un horizon philosophique et éthique qui est aussi un horizon politique : celui d'une humanité qui conçoit son développement comme élaboration d'une culture (nous soulignons) du savoir vivre ensemble, de la dignité, du partage. Cela donne du sens aux apprentissages, à la formation, à l'auto-socio-construction des savoirs, à la création.

 

L'expression "culture de paix"
L'expression "culture de paix" ne livre pas son sens tout de suite, elle ne dit pas ce qui peut se faire dans son sillage. Le rappel des conditions dans lesquelles est née l'Education Nouvelle au siècle dernier ne suffit pas non plus pour en mesurer la pertinence. Le concept est à (re)penser ensemble dans le contexte qui est le nôtre aujourd'hui.
Dans l'appel de l'Unesco pour la "Décennie internationale de la Promotion d'une culture de la non-violence et la paix au profit des enfants du monde," (2001- 2010) il est dit : "les guerres prenant naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix" ; [...] "la paix n'est pas simplement l'absence de conflits, mais est un processus positif, dynamique, participatif qui favorise le dialogue et le règlement des conflits dans un esprit de compréhension et de coopération mutuelles" [...]. Au congrès du GFEN, dans la foulée de ce qui a déjà été étudié lors des Rencontres du LIEN à Marly le Roi en 2006, la question de la culture de paix pourrait être au cœur de nos réflexions et nous permettre de poser la question de l'histoire et de nos filiations.

 

Culture de Paix et Education nouvelle
La Culture de paix pour laquelle nous nous engageons ne se confond pas avec le pacifisme, un engagement respectable porté par certains de nos partenaires dans les villes, les associations, les quartiers.
Elle n'a rien à voir avec la recherche du bonheur individuel, égoïste et égotiste, dans laquelle on s'aveugle sur les conflits qu'ils soient de classes, de nations, de cultures, de langues. Cette posture maintient l'ordre inégalitaire existant et nie l'idée même de transformation
sociale.
La Culture de paix n'est ni pacification, ni irénisme, ni gestion des conflits dans le but de les escamoter, ni médiation, même quand celle-ci est nécessaire. Les conflits entre personnes, groupes, pays, sont toujours, aussi (!) des conflits d'idées et de valeurs. Il ne s'agit pas de les gommer ou de les suspendre sans les mener. Comme dans la lecture au positif, ces conflits nous obligent à chercher les points d'appui pour rebondir, construire ensemble de nouveaux objets de pensée plus complexes, en rupture avec ceux qui ont conduit au conflit. Ils font du "rapport à l'autre" plus qu'un souci pédagogique ou un objet de recherche en épistémologie.
Enfin, la Culture de paix ne se limite pas à l'éducation à la paix. Cette dernière est complètement nécessaire, mais l'expression risque de nous cantonner à la famille et au monde scolaire, alors que le mot "culture" voudrait élargir le champ. En tant que sujets sociaux et citoyens, nous sommes tous touchés : enfants et adultes. Dans l'ombre portée de l'entropie, éternels Sisyphe, nous construisons sans cesse de l'humain : prendre "l'option d'autrui" dit Paul Ricœur, affirmer la dimension éthique dans la construction des savoirs, car cela est loin d'être acquis. Voilà, par les temps qui courent, un enjeu de congrès.
L'Education Nouvelle est totalement concernée. Elle doit formuler d'autres ambitions en mettant l'accent sur ce qui, dans le feu de l'action, est trop souvent considéré comme second : l'état des savoirs disponibles, leur croisement, leur partage. Elle oppose à la gestion des conflits pensée comme recherche de compromis, le défi cognitif d'apprendre ensemble à penser autrement.

 

Comment travailler la "Culture de paix" ?
À l'invitation de la mairie d'Aubagne, nous avons dans notre région, l'expérience d'une construction de collective de savoirs à ce sujet, menée avec les enseignants et les animateurs des Maisons de quartier de la ville (une vingtaine de personnes chaque année) depuis bientôt dix ans. L'intitulé des plaquettes publiées par le groupe et largement diffusés dans la ville et au-delà, donne une idée de ce qui peut se travailler : "Paix et tolérance en Méditerranée" (1998) ; "Construire une ville de paix" (1999) ; "Pour une culture de paix - penser la paix au quotidien" (2000) ; "Faire la paix avec les mots" (2001) ; "Faire la paix, c'est tisser des liens" (2002) ; "De résilles en réseaux, outiller la paix" (2003) ; "Imaginer la paix" (2004) ; "Graines de mémoire" (2005) ; "Singulier, pluriel : interdépendances" (2006) ; Comprendre le système-monde" (2007).
Au fil des années, les recherches et les travaux menés en formation et en classe ont bien évolué. Partis de la Méditerranée, espace conflictuel s'il en est, nous avons pris en considération d'autres échelles : la ville en tant que lieu partagé, les réseaux en tant que projection vers les autres, l'école en tant qu'institution où se construit la solidarité dans les apprentissages. Nous avons mis l'accent sur la langue et l'imaginaire, le débat, l'appel à l'écriture de création. Nous avons fait de l'histoire un axe essentiel. Nous avons tenté de comprendre le rôle des valeurs dans le travail d'enseignement et d'animation. Nous avons fait le pari de la complexité pour tous.
Bien d'autres dimensions sont à explorer pour maintenir son tranchant au concept de Culture de paix. Rendez-vous au congrès ?

 

P.S : Etiennette Vellas (GREN) nous communique la référence d'une thèse soutenue en 2004 par Jacques Annebeau. Sa lecture vient enrichir nos arguments : "La problématique de l'éducation à la paix à la lumière de deux représentants de l'éducation nouvelle : Célestin Freinet et Maria Montessori" - Université Lumière Lyon II - Institut des sciences et pratiques de l'éducation et de la formation.
http://demeter.univ-lyon2.fr:8080/sdx/theses/notice.xsp?id=lyon2.2004.annebe au_j-principal&id_doc=lyon2.2004.annebeau_j&isid=lyon2.2004.annebeau_j&base=documents&dn=1

 

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