L activité, espace de transformations
| le 30/11/-0001 00:00
C'est dans la confrontation de ses différents milieux que se construit le petit d'homme, dans une activité qui le transforme.En savoir plus
Mouvement de recherche et de formation en éducation
Tous capables ! Tous chercheurs ! Tous créateurs !
La formulation du titre du débat appelle pour
moi une remarque. Demain, c'est déjà aujourd'hui. La nouvelle
société existe en germe dans la complexité de notre
société. Elle existe dans la logique de certaines pratiques
sociales transformatrices, de même que l'ancien système peut
très bien se perpétuer à travers les pratiques d'une
nouvelle société, cela s'est vu. Et les pratiques sont le
fait des hommes, pas des modèles de société. C'est
dans la personne humaine et sa conception de l'homme que se joue l'avenir
du monde. C'est là que je situerai l'enjeu de l'éducation
et celui de ce débat. Je suis membre depuis 20 ans d'un Mouvement
d'Éducation Nouvelle qui travaille le sens et l'effet des pratiques
d'enseignement. Pour nous, la logique interne de l'acte pédagogique
porte en elle-même et crée tout de suite la société
future. En ce sens, l'acte pédagogique est un acte politique.
Pierre Bourdieu a montré comment l'école de nos sociétés
démocratiques réussit le tour de force de maintenir une
société inégalitaire en obtenant de ceux qu'elle
forme la soumission à l'ordre établi et la résignation. L'Éducation Nouvelle que nous revendiquons au GFEN s'est donné
pour tâche de débusquer les processus intimes de cette aliénation
collective dans les pratiques de savoir, à l'école et hors
l'école.
Le débat porte sur l'éducation. Il est donc plus large qu'un
débat sur l'école. L'école est une institution, un
lieu privilégié d'éducation puisqu'on y forme les
nouvelles générations. Mais elle n'est pas le tout de l'éducation.
Peut-elle globalement former à la transformation ? N'a-t-elle pas
prioritairement un rôle de transmission des savoirs et des valeurs
d'un groupe social ? Penser l'éducation nous permet de penser moins
en termes de système à construire qu'en termes de stratégies
de transformation. C'est pourtant précisément en termes
de pédagogie, dans l'exercice même de ce qui est prescrit
à l'enseignant, que se pose pour nous, contre la marchandisation
de l'éducation, la question de l'émancipation collective,
de l'anticipation d'un autre possible, où la question de l'héritage
aurait à être posée autrement.
Vivre aujourd'hui l'utopie
Paulo Freire pourra ici nous servir de base de discussion. " Personne
n'éduque autrui, personne ne s'éduque seul, les hommes s'éduquent
ensemble, par l'intermédiaire du monde. "
Cette phrase résume quelques-unes des ruptures qui définissent
pour nous une éducation émancipatrice. Elle place l'éducateur
et l'élève du même côté de la connaissance,
tous deux sujets connaissants, tous deux confrontés, avec leur
connaissance et les limites de leur connaissance, à des situations
toujours singulières qui exigent, pour être maîtrisées,
une conquête conceptuelle, un effort de réorganisation de
leur pensée. La situation pédagogique y apparaît comme
productrice de savoirs neufs, nés de la rencontre entre un collectif
de sujets (ensemble) et une expérience du monde à conscientiser.
Cette conception du savoir et de la connaissance comme conscientisation
de notre expérience du monde fonde toute notre pratique et notre
théorie pédagogique, connues sous le nom d'auto-socio-construction.
Le savoir n'est pas extérieur aux hommes, pas plus que le monde
n'est extérieur aux hommes qui le pensent. Éduquer ce n'est
pas apporter à des ignorants des savoirs inventés ailleurs,
c'est provoquer des rencontres déstabilisantes qui dérangent
des savoirs établis et des habitudes de pensée, c'est défier
l'état présent de la connaissance, contraindre à
l'invention. C'est un changement de regard sur ce qui existe déjà.
Dans les années 70, le GFEN a formulé le pari philosophique
qui justifie son existence dans des termes qui résonnent encore
chez nous comme une provocation : tous capables ! c'est pourtant, pour
ceux qui ont relevé le défi des pratiques, une réalité
de chaque jour. Des yeux qui brillent, des enfants et des adultes tous
créateurs, tous chercheurs, tous inventeurs de concepts et d'œuvres
au plus haut niveau de la pensée contemporaine.
Quem luta tambem educa !
L'Éducation Nouvelle a souvent fait le choix de l'école
parallèle. Il lui fallait des laboratoires pour expérimenter,
prouver. Ce fut le cas dans les années 20 et 30, la grande époque
des écoles nouvelles. Au GFEN, nous avons choisi de travailler
en grandeur nature, là où nous sommes, et donc de nous affronter
à la question de la transformation. J'ai toujours travaillé
dans l'enseignement public, c'est là que j'ai inventé au
quotidien et au fil des ans une pédagogie des langues en rupture
avec l'enseignement traditionnel, en me heurtant en permanence à
la résistance de l'Institution, et grâce à cette résistance.
Quand on crée une école parallèle, le lien avec l'environnement s'établit sur le mode du modèle à imiter. Le débat consiste à comparer des modèles et leurs résultats. Mais nous n'avons pas à prouver l'efficacité d'un système alternatif, nous avons à mettre en œuvre un projet de développement humain. Vouloir remplacer un système par un autre c'est croire qu'il est possible de faire l'économie de sa propre transformation. Dans le système de l'enseignement public français les militants d'Éducation Nouvelle se heurtent personnellement à la résistance de l'existant, et nous savons qu'il ne peut en être autrement. Nous y sommes confrontés en permanence à la nécessité d'inventer, d'analyser les situations, de repenser les enjeux de nos actions, d'en interpréter les effets. C'est beaucoup plus clair. Pas plus que nous ne sommes extérieurs au monde nous ne sommes extérieurs au système que nous transformons, ni exempts de ses contradictions ni libres de toute aliénation. Se mettre au défi de l'action transformatrice c'est assumer le risque (exaltant et nécessaire) de sa propre désaliénation.
Qu'est-ce qu'on transforme quand on transforme sa pédagogie
à l'intérieur d'une institution ? l'institution ? rarement.
L'institution est plus forte et dépend, elle, de la demande sociale
et du fonctionnement global de la société. On se transforme
soi, ses savoirs, ses attentes, ses paris sur l'avenir, et on travaille
à ce que les autres se transforment aussi, eux, leurs savoirs,
leurs attentes, leurs paris. C'est une action sur les verrous idéologiques
qui nous privent de notre liberté de penser.
D'où la nécessité du mouvement pédagogique
Le mouvement pédagogique est le garant collectif pour chaque personne
de la pérennité du pari : il agit comme contre institution
où mettre à distance, dans le dialogue avec les autres,
la complexité de l'expérience vécue. Il propose des
lieux d'action collective, des lieux d'écriture, des textes, des
moments de réflexion et d'analyse où l'on " s'éduque
ensemble ", des projets transformateurs de la culture et de la demande
sociale d'éducation. Le mouvement pédagogique a son propre
terrain de recherche et d'action, la culture, la connaissance. Ni syndicat
ni parti politique, il est une force de transformation indispensable qui
s'attache à l'émergence des sujets créateurs.
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