L activité, espace de transformations
| le 30/11/-0001 00:00
C'est dans la confrontation de ses différents milieux que se construit le petit d'homme, dans une activité qui le transforme.En savoir plus
Mouvement de recherche et de formation en éducation
Tous capables ! Tous chercheurs ! Tous créateurs !
Les
modalités d'appropriation que nous mettons en place dépendent
essentiellement de notre conception du savoir, la trahissent en quelque
sorte (dans le double sens d'en rendre compte ou de la dénier,
à notre insu).
Jean-Pierre Astolfi nous invite à ne pas confondre information,
savoir et connaissance, amalgame communément indifférencié
source de confusion et de nombreux « échanges de sourds »
sur la question pédagogique(1).
L'information (du latin informare : donner une forme), désigne des faits, des commentaires ou des opinions sous différentes formes : écrites, orales ou visuelles, qui en permettent la circulation et le stockage, matériel ou en mémoire. Objet autonome extérieur au sujet (objective), l'information peut être mémorisée sans que celui qui en prend connaissance fasse de lien avec son acquis. L'apprentissage est alors mécanique plus que signifiant, restant extérieur à son système conceptuel.
La connaissance (étymologiquement : naître avec) est le résultat intériorisé de l'expérience individuelle de chaque individu, consubstantiel à son histoire. Recombinaison spécifique de l'information prélevée par chacun dans son environnement, la connaissance est en lien avec l'affectif, le social, les valeurs, le désir, donc empreinte de subjectivité. Les recherches en didactiques ont montré que chaque élève s'est forgé des idées sur les choses qu'on lui enseigne, conceptions personnelles qui s'avèrent tenaces, facteurs de résistances importantes, qui interfèrent avec le projet d'apprentissage voire le mettent en faillite.
Le
savoir (du latin sapere : avoir de la saveur) résulte
lui d'un important effort d'objectivation,
est toujours le fruit d'un processus de construction intellectuelle.
Si les savoirs sont redevables à tout un processus socio-historique,
leur appropriation par chaque être humain - pour être effective
et opératoire - passe par une re-création émancipant
progressivement des conceptions anciennes. Le savoir est donc construit
par le sujet, à travers l'élaboration et l'usage
d'une formalisation théorique. Il permet de « lire
» autrement la réalité, de poser de nouvelles questions.
Pour Karl Popper, si l'information est en rapport avec le Monde
1 (objets et états physiques), la connaissance renvoie au
Monde 2 (expériences subjectives et états mentaux),
alors que les savoirs renvoient au Monde 3, celui des «
contenus de pensée objectifs », résultant
de l'effort de construction intellectuelle, comprenant « les
systèmes théoriques, mais (aussi) les problèmes
et les situations problématiques ». Il ajoute
: « J'affirmerai que les habitants les plus importants de
ce monde sont les arguments critiques, ce qui pourrait être appelé
l'état d'une discussion ou l'état
d'un argument critique »(2).
Si le passage de l'information à la connaissance se paie
au prix d'une interprétation, d'un filtre en oblitérant
la teneur pour s'incorporer au réseau conceptuel de l'individu,
le passage de la connaissance au savoir nécessite une « psychanalyse
de la connaissance objective », un travail de deuil vis-à-vis
de ses anciens modes de pensée, une « rupture épistémologique
» nous dit Bachelard(3).
Les modalités d'enseignement s'appuient sur ces diverses
conceptions du savoir(4).
Qu'il soit le plus traditionnellement frontal ou dialogué, l'apprentissage par transmission s'appuie sur un savoir conçu comme information... produit fini réifié qu'il suffirait de transmettre clairement dans sa forme aboutie pour qu'il soit évident pour l'élève. On en connaît les limites. Cela ne fonctionne qu'avec les élèves s'étant déjà interrogés sur le sujet, motivés et partageant les préalables requis (connaissances dans le domaine considéré et structures intellectuelles en phase avec l'enseignant) lui permettant d'intégrer ces apports dans un système déjà organisé ou de restructurer les informations précédentes.
L'apprentissage
par stimuli-réponses (modèle de type behavioriste) découpe
chacune des étapes de l'apprentissage et amène les
élèves à les traiter les unes après les autres,
présupposant qu'à terme, l'addition de chacune
des sous-compétences suffira à maîtriser le processus
d'ensemble. Or, on n'est jamais sûr que le tout se confonde
avec la somme des parties qui le composent. Par ailleurs, dans une telle
approche, on peut très bien réussir sans comprendre...
L'enseignement programmé, qu'il soit par fiches ou
assisté par ordinateur, ou bien encore la pédagogie par
objectifs relèvent de ce modèle, où l'apprentissage
est conçu comme une suite de conditionnements, d'actions
téléguidées. S'il peut éventuellement
être opératoire pour acquérir des automatismes ou
des savoirs d'action, il est inefficace pour permettre la construction
de concepts.
L'apprentissage passant par la recherche et l'expérience fait une place beaucoup plus importante au sujet qui apprend. Plus motivants, l'observation et le tâtonnement expérimental, - outre le fait qu'ils sont coûteux en temps et laissent en jachère les domaines ne correspondant pas aux « intérêts spontanés » de l'enfant à courent le risque de confondre le savoir avec la connaissance empirique.
Les
approches constructivistes (ou plutôt néo-constructivistes
post piagétiennes, appelées encore socio-constructivistes(5))
privilégient la relation ou plutôt le rapport des élèves
au savoir, prennent appui sur la spécificité de ceux qui
apprennent, placés en situation de se construire leur propre savoir
à travers des démarches de recherche, d'invention(6).
Les situations de ce type exigent de croiser épistémie (façon
qu'a chacun des élèves de construire son savoir, ce
qui nécessite de prendre en compte ses connaissances et conceptions
préalables) et épistémologie (contexte problématique
d'origine et façon dont le savoir s'est historiquement
élaboré, moins au niveau des faits que des ruptures opérées
par rapport aux modèles et façons de penser antérieurs).
(1)Jean-Pierre
ASTOLFI, L'école pour apprendre (1992), ESF éditeur,
3è éd. 1994, en particulier p. 67-77. retour
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(2)Karl R. POPPER, La connaissance objective,
Bruxelles, Complexe, 1978, cité par J.-P. Astolfi.retour
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(3)Gaston BACHELARD, La formation de la pensée
scientifique (1938). Librairie philosophique J.Vrin, 1993.retour
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(4)Pour un développement de ces différents
modèles, on pourra se référer à l'ouvrage
déjà cité de Jean-Pierre ASTOLFI, L'école
pour apprendre, p. 123-131, ou bien à celui de Gérard
DE VECCHI, Aider les élèves à apprendre,
Hachette Éducation, 1992, en particulier p. 177-186.retour
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(5)Cf. Catherine GARNIER, Nadine BEDNARZ, Irina ULANOVSKAYA (dir.), Après Vygotski et Piaget. Perspectives sociale et constructiviste. Ecoles russe et occidentale. De Boeck Université. 1995. Cet ouvrage rend compte des différentes approches de la construction sociale des savoirs, se référant d'un côté à Brousseau, Doise, Mugny, Perret-Clermont et Schubauer-Leoni ; de l'autre à Vygotski, Leontiev, Elkonin et Davidov. retour au texte(6)Pour des déclinaisons pédagogiques dans différents domaines, on pourra se référer aux travaux du G.F.E.N. sur la démarche d'auto-socio-construction du savoir. (www.gfen.asso.fr) retour au texte
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